En vers et contre tout!
-SUITE-
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"Je dis seulement qu'il y a sur cette terre des fléaux et des victimes,et qu'il faut seulement, autant qu'il est possible, refuser d'être avec le fléau."
Albert Camus. La Peste.
17.02
La nef des fous
Un vieux rafiot nommé Pouvoir,
Voir...
Croisait nos eaux territoriales.
Râles.
Sa figure de proue d'ébène
Etait un diable des enfers,
Fers.
Sans fin claquait en haut du mât
Le drapeau noir de la flibuste,
Buste.
C'était le vaisseau de l'Etat
Pourri de peste et choléra,
Rats,
Porteur de foi toujours dissoute,
Soutes.
Sur le pont festoyaient sans trêve,
Rêve,
De brillants officiers repus,
Puent...
Stricts, ternes, propres et bien vêtus
Tous les marins de l'équipage,
Pages,
Ces gentilhommes de fortune,
Thunes,
Etaient fiers de leur bâtiment,
Ment...
Et riaient des gueux sans remords,
Mort.
Les cales lourdes de valeurs,
Leurres...
Pesaient sur le grand vaisseau noir
Que quelquefois une frimousse,
Mousse
Eclairait l'ombre d'un instant.
Temps.
C'était du peuple le vaisseau.
Sots!
Un jour le navire coula,
Las.
Alors s'en vint de Jamaïque,
Nique
Un nouveau navire amiral,
Râles.
Sa figure de proue d'ébène
Etait un diable des enfers,
Fers...
En passant au salon
Lui qui se piquait de culture,
C'est attaché d'agriculture
Que De Lagrange fut nommé.
Haut fonctionnaire au ministère,
Il régentait de haut des terres
En jachère ou semées de blé.
C'était avec appréhension
Qu'il voyait venir le salon
Chaque année au mois de février.
Il était d'inauguration,
Collait aux basques du patron
Encadré par des policiers.
Il souriait aux paysans,
Redoutant toujours l'incident
Qui sait ce qui peut arriver...
Il supportait mal les odeurs,
Il en avait des hauts le coeur...
Mon Dieu que ça sentait mauvais!
Les opposants n'étaient pas là,
La claque scandait Nicolas...
C'est sûr il allait prendre froid.
Les culs terreux le dégoûtaient
Sans leurs tracteurs, mal habillés,
Avec leur maïs et leur lait.
Et De Lagrange transpirait...
Ce serait bientôt terminé,
Tout de même quelle corvée !
Son arbre généalogique,
Il en avait eu la colique,
Portait un aïeul bien grossier,
Un paysan, c'était étrange,
Qui habitait près d'une grange
Sans doute chaussé de sabots.
Tous ces rustres lui rappelaient
Cette tâche dans sa lignée
Et De Lagrange soupirait.
L'Apocalypse manque d'avenir.
Au mitan d'une rue protégée de barrières,
Il allait à grands pas, les traits tirés, tendu,
On entendait là haut tourner l'hélicoptère,
A ses côtés marchaient ses sbires et des élus.
Il voyait des tireurs d'élite sur les toits.
Quelques sympathisants accrédités trois fois
l'acclamaient. Il allait, sous de maigres vivats
Mais savait la rumeur de la foule écartée
Contenue violemment par mille policiers.
Il aurait tant aimé être un roi populaire
Qu'il en était fâché... Ses traits soudain sévères
Disaient surtout sa peur... C'est que l'on peut mourir
Du trône. Ça s'est vu ! Il s'entendait gémir,
Blessé, allongé, là... Et c'était un roi nu
Qui allait présenter ses voeux de ci de là,
Un sire tout tremblant, plus rien d'un m'as tu vu,
Un homme, simplement qui craignait l'attentat.
Il allait, tel gibier soudain à la merci.
Ce n'était pas pourtant qu'il se croyait haï,
Beaucoup l'aimaient, c'est sûr, en hommes de raison.
Et chacun de ses pas scandait une oraison...
C'est qu' il suffit d'un seul pour qu'une vie s'arrête.
Il songeait Kennedy, il songeait Mahatma...
Il se voyait soudain monter dans la charrette
Tel Louis... allons bon ! Qu'allait il penser là !
Cependant il songeait tout en pressant le pas.
Il lui semblait entendre la foule et des huées !
Il avait pourtant dit qu'on les tienne éloignés !
Il serait sans pitié, on devait obéir!
Notre roi transpirait et poussait des soupirs.
On pouvait lui lancer, mon Dieu, n'importe quoi !
Se voir mourir est dur surtout quand on est roi.
Un sosie ? Certes pas. On connaît la chanson :
Allez savoir demain reconnaître le bon !
On pouvait le tromper, l'écarter du pouvoir !
Jamais ! Plutôt mourir. Le roi broyait du noir
Et, marchant à grands pas vers le bout de la rue,
Il voyait l'escalier, la porte, le salut !
Il se rêvait de marbre, de granit, tel un fort,
En statue, comparable au lion de Belfort.
L'arche d'alliance
Noé s'était noyé, poussé par dessus bord
D'un violent coup de queue par un alligator
Qu'il croyait endormi... L'eau montait...
Sur les ponts les puissants s'installaient, s'étalaient.
On vit l'âne obligé de balayer crottin
Afin de mériter sa part de picotin.
Dans les cales et les soutes on avait refoulé
Les faibles qui n'avaient de dents que pour manger
Ou qui n'en avaient pas. Ceux la y étouffaient,
Souffrant du mal de mer et de promiscuité.
Ils furent pris soudain d'une rage meurtrière.
Tous les petits alors un jour se révoltèrent.
Ce fut Révolution. Les puissants prirent peur,
Émergeant brusquement de leur douce torpeur.
Ils allaient s'expliquer. Que leur reprochait on ?
Ils parlèrent tortue, escargot, hérisson...
Ces animaux aussi possédaient leur demeure
A leur taille, à leur goût, où ils étaient à l'aise.
Là n'était pas justice ! Qu'on les chasse et qu'ils meurent !
Eux s'en iraient alors. Ils montraient les falaises...
Le bon sens prévalut : on rit de ces bons mots.
Félins et canidés périrent dans les flots.
La consigne c'est la consigne.
Les ogres ont jailli du conte,
Les enfants sont terrorisés.
Qu'ils soient chéris ou mal aimés
Ils en frémissent, à nous la honte.
On les réveille en pleine nuit
D'un sommeil lourd vide de songe.
Les enfants se font tout petits,
On leur murmure des mensonges.
On les pousse dans des fourgons,
Il pleut sur la rue familière,
Ils taisent des sanglots si longs...
J'en ai la gorge qui se serre.
Ils voient leurs parents bousculés
Tâcher cependant de sourire,
Ils en seraient réconfortés
Mais les enfants savent le pire.
Ils se cramponnent à leur bagage,
Ils serrent la main de maman,
Ils sont hagards mais ils sont sages,
C'est qu'ils auront bientôt huit ans.
Les ogres ont jailli du conte.
Je jure Dieu frères humains
De toujours leur tendre la main,
Que cessent enfin ces cauchemars,
Renvoyons les ogres au placard !
CHAT !
Des rats ont poussé un chat dans la nasse.
Il est là,
Sonné comme d'un coup de masse.
Lui, un chat de sa trempe,
Avec un tel parcours !
Créateur d'entreprise
Et pourvoyeur d'emplois,
Lui à ses pairs toujours
Prêt à porter secours,
Lui qui ne compte ni ses heures,
Ni ses sous,
Qui paye ses impôts,
Pour qui des artisans
Travaillent parfois six,
Parfois huit mois par an,
Car des propriétés,
N'est ce pas,
Ça s'entretient !
Lui qui prend des avions, des taxis et des trains,
C'est qu'il le fait tourner leur putain de système!
Lui qui a jardiniers, chauffeur, maître d'hôtel,
Et qui les traite bien !
Lui envers qui les grands se montrent déférents,
Voilà que des pèquenots,
De base qui plus est,
Au mépris de la loi,
Le séquestrent ici,
Dans d'infâmes toilettes
Qui manquent de papier...
Quelqu'un passa un bras et tendit un rouleau....
Capitalisme.
Les puissants étaient là, ils venaient de partout.
On voyait des lions, des aigles et des loups.
Ils tenaient un congrès, soucieux des lendemains,
On sait que les vassaux grondent quand ils ont faim.
La savane est en feu ? Que cessent les rumeurs !
Il est dur de gérer les méchantes humeurs !
On allait leur promettre et des jeux, et du pain !
Le bon peuple serait dès lors quiet et serein !
Il était plus que temps ! Il fallait remédier
Aux erreurs engendrées par trop de libertés !
On allait policer la savane, et la loi
Punirait les écart des moins puissants que soi !
On décida pourtant de faire comme avant,
Les conclusions, hélas, ne furent que du vent,
On ne peut vraiment pas compter sur les puissants,
Ce sont gens trop soumis aux forces de l'argent !
Mais notre jour viendra car tous les dictateurs
Chancellent puis succombent quand trébuche leur coeur.
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